Alejandro Zwartendijk réinvente la grâce à l’ère digitale
Alejandro Zwartendijk, ancien danseur classique devenu phénomène numérique, il se confie à nous sur la discipline, la vulnérabilité et l’art d’habiter son corps, à l’écran comme sur scène. Découvrez la cover story exclusive pour Salut les Garçons : LOVE IS A GAME, capturée sous l’œil du photographe Elys Berroterán.

Entre un entrechat et un scroll infini, Alejandro Zwartendijk a trouvé sa propre scène.
Formé à la rigueur du ballet classique, il a troqué la discipline de la barre pour l’improvisation des écrans sans jamais perdre le sens de la grâce.

Espagnol par naissance, fort de racines néerlandaises, Alejandro conjugue la spontanéité du Sud et la précision du Nord, la tradition et la viralité.

Aujourd’hui suivi par des millions de regards, il danse toujours mais autrement : dans ses vidéos, ses images, dans la manière même dont il chorégraphie sa vie.

Chez Salut les Garçons, on a voulu l’écouter parler non seulement de son ascension artistique et numérique, mais aussi de ses silences, de ses visions, de ce qui continue de vibrer sous sa peau d’artiste : LOVE IS A GAME.
Conversation avec Alejandro Zwartendijk

Je suis extrêmement reconnaissant pour l’endroit et la manière dont j’ai grandi. Cette spontanéité très espagnole, mêlée à la franchise toute néerlandaise, m’a permis de m’adapter facilement à toutes sortes de personnes, de lieux, de situations. Mes parents ont beaucoup voyagé dans leur jeunesse, et cette aisance vient sans doute d’eux.
Tout cela se traduit dans ma manière d’être, dans ma posture.
J’appelle ça “l’effet caméléon” : cette capacité à se fondre dans l’environnement sans se perdre.
Tu as grandi entre l’Andalousie et les Pays-Bas : comment ces deux paysages, la chaleur du Sud et la rigueur du Nord, continuent-ils de vivre en toi, dans ton art et dans ton style ?

Je peux être à la fois ferme et élégant, mais aussi décontracté et discret, embrasser les traditions les plus anciennes tout en profitant de la modernité qui nous bouscule. Je me sens à l’aise dans n’importe quel contexte, qu’il s’agisse d’un gala en smoking ou d’un bar entre amis. On me demande souvent si je me sens plus Espagnol ou Néerlandais, mais je n’aurai sans doute jamais de réponse.
Je crois que je suis fait de fragments d’expériences vécues partout dans le monde ou héritées de celles de ma famille.

Si ton identité était une danse encore inconnue, à quoi ressemblerait-elle ?
Ce serait un mélange de ballet, de flamenco et de cette manière désinhibée de danser quand le DJ enchaîne les tubes dans un club.



Le ballet t’a appris la discipline du millimètre, tandis que TikTok impose un rythme rapide et imprévisible. Comment navigues-tu entre ces deux temporalités ?
J’y apprends encore chaque jour. Ces deux mondes sont si éloignés l’un de l’autre.
Je ne crois pas que je ferai un jour quelque chose d’aussi exigeant que le ballet, pas parce que je ne le veux pas, mais parce qu’il n’existe rien d’aussi intense en termes de sacrifice et de travail.
Savoir que j’ai vécu ça, que je l’ai accompli, me donne la certitude que je peux tout faire.

Glisses-tu encore des gestes ou des postures de danse dans tes vidéos, comme un clin d’œil secret à ton passé de danseur ?
Inconsciemment, toujours. Pas seulement dans mes vidéos, d’ailleurs dans ma vie quotidienne aussi.
Des hôtesses de l’air ou des caissiers me demandent parfois si je suis danseur, simplement à cause de ma posture.
Après quatorze ans à être corrigé pour me tenir plus droit, à projeter la présence depuis la poitrine, à placer mes hanches… tout cela ne s’efface pas.
Et j’en suis reconnaissant.
Dans mes gestes aussi, je saisis les choses d’une certaine manière, je sais comment mes mains apparaissent à la caméra.
Quand tu postes une vidéo ou une photo, penses-tu comme un chorégraphe, un acteur ou un réalisateur ?
Je me mets toujours à la place du spectateur.
Quelle image captera d’abord son regard, puis la suivante, et la suivante encore ?
Quelle émotion accompagnera le mieux une phrase pour qu’elle résonne comme il faut ?
Alors oui, je dirais comme un réalisateur.



Je vois mon style comme une extension de ce que je suis à un instant donné.
J’ai commencé à m’y intéresser sérieusement pendant le confinement.
Je suivais des influenceurs mode et j’essayais de reproduire leurs looks avec ce que j’avais sous la main, ou de m’en inspirer pour mes achats.
Une fois que j’ai compris ce qui m’allait, ce qui mettait mon corps en valeur, j’ai commencé à expérimenter.
Certaines tenues sont géniales, d’autres… catastrophiques, mais tout cela fait partie du chemin.
La mode et l’esthétique tiennent une place centrale dans ton univers. Quelle est ta relation intime aux vêtements : un costume, une seconde peau, ou une armure ?

Au quotidien, j’aime donner l’impression d’avoir fait un effort, sans en avoir l’air.
J’aime être à l’aise, mais toujours présentable, je déteste être sous-habillé.
Même pour une soirée tranquille chez des amis, je préfère rester “au cas où”.
Mais pour les événements, surtout à l’étranger, je redeviens un enfant dans un magasin de bonbons.
C’est le moment d’oser, de sortir de ma zone de confort, de porter des pièces audacieuses.
Et même si parfois un look me laisse perplexe, je trouve toujours une manière de le faire fonctionner.

La scène classique offre des applaudissements, les réseaux sociaux des “likes”. Qu’est-ce qui te fait vraiment te sentir “vu” ?
Rien ne remplace l’instant où le rideau tombe, où tu halètes sous les projecteurs et que le public t’applaudit.
Cette euphorie-là est unique.
Aujourd’hui, quand une vidéo dans laquelle j’ai mis tout mon cœur fonctionne bien, c’est aussi une joie immense.
Mais ce qui me touche le plus, ce sont les gens qui viennent me voir en vrai pour me dire qu’ils aiment mon travail.
C’est la sensation la plus chaleureuse, la plus motivante qui soit.


Quel est l’aspect le plus vulnérable que tu n’as jamais partagé avec ton public ?
J’ai la chance d’avoir une communauté bienveillante, et cela me permet d’être vulnérable avec elle.
Les vidéos les plus intimes que j’ai publiées sont sans doute celles de ma série “healthy communicating couple behind closed doors”.
J’y aborde des sujets variés : l’anxiété, les tensions familiales, les attaques personnelles…
Certains épisodes viennent de mes expériences, d’autres sont fictionnels, mais savoir que cela peut aider quelqu’un me pousse à continuer.
Tes vidéos voyagent plus vite qu’une tournée internationale. Mais si demain tu pouvais choisir ton prochain “théâtre”, ton décor idéal, ce serait quoi ?
Cette année, j’ai enfin compris ce que signifiait s’asseoir et regarder le chemin parcouru.
Alors je dirais : un grand moniteur, comme dans le film Vice-versa, qui me montrerait tous mes accomplissements et les émotions qu’ils m’ont apportées.

Si les écrans disparaissaient demain, à quoi ressemblerait ton art ?
À une comédie musicale de Broadway : chaotique, mais exaltante.

Nathy Peluso. Mon artiste préférée, absolument.
J’admire la façon dont elle pense, sa rigueur, et la manière dont elle parvient à tout concilier tout en créant une musique d’une qualité incroyable.
Si tu pouvais danser un pas de deux avec une icône, vivante ou disparue, qui choisirais-tu ?

TikTok est une scène, Instagram une vitrine… à quoi ressemblerait ton “backstage” rêvé ?
À l’application “Notes”.
Tous mes scripts, mes idées, mes directions y dorment.
On oublie souvent que la création de contenu, c’est bien plus que les posts : c’est des réunions, des brainstormings, des stratégies, des négociations, des voyages…
J’aime tout noter, même si c’est juste pour moi.
Crédits :
Talent Alejandro Zwartendijk • Photographer Elys Berroteràn • Production Marie-Pauline Cesari







